Numérique en commun[s] 2023 : quand les questions numériques croisent l’intérêt général

L’édition 2023 de Numérique en Commun[s] s’est déroulée cette année à Bordeaux, les 19 et 20 octobre. Événement national rassemblant les acteurs de l’inclusion et de la médiation numériques (services de l’État, Banque des territoires, collectivités territoriales, associations et entreprises…), NEC est l’événement de référence pour toute personne s’intéressant au numérique d’intérêt général. On y était !

Près de 2000 participants ont assisté à une centaine d’ateliers, retours d’expériences ou tables-rondes, autour de cinq enjeux : Données & territoire – Médiation & compétences numériques – Écologie & soutenabilité – Communs & souveraineté – Éthique & émancipation. Le programme était particulièrement dense, frustrant parfois quand il fallait choisir entre deux ateliers se déroulant en même temps.

Séance d’ouverture avec Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé du Numérique
Beaucoup de monde…

Retour à chaud sur quelques thématiques marquantes, cette année :

« France numérique ensemble »

La nouvelle « feuille de route » nationale pour l’inclusion numérique, France Numérique Ensemble, était sur toutes les lèvres, car elle définit le cadre d’intervention des acteurs publics et privés pour plusieurs années. Il a notamment été question de la « territorialisation » de France Numérique ensemble, c’est-à-dire de la mise en place, à l’échelle locale (départementale), de plans d’actions pour rendre le numérique plus inclusif. Ainsi, des concertations sont déjà engagées à ce sujet à l’échelle de la Meurthe-et-Moselle.

Les expériences de territoires plus avancés ont ainsi été mises en avant. Elles soulignent toutes l’importance d’un portage politique fort de la part des élus locaux, appelés à s’emparer de ces questions.

Dans le Lot-et-Garonne, acteurs publics et privés ont créé un fonds départemental pour l’inclusion numérique

Atelier du Gisti sur le droit des étrangers

Une intervention marquante du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) a relevé les grandes difficultés des personnes étrangères dans leurs démarches de demande de nouveau titre ou de renouvellement de titre de séjour. Ces démarches sont aujourd’hui intégralement dématérialisées, alors qu’elles sont particulièrement complexes, ce qui pénalise les personnes en difficulté avec le numérique ou ne maîtrisant pas le Français.

Le Conseil d’Etat, dans une décision rendue le 3 juin 2022, a posé deux obligations pour l’administration lorsqu’elle impose le recours à un téléservice : la mise à disposition d’un accompagnement physique (« humain ») pour les personnes rencontrant des difficultés pour effectuer la démarche en ligne ; la mise en place d’une solution de substitution (un accueil en Préfecture pour pouvoir réaliser et déposer son dossier directement, par exemple) pour les personnes qui ne disposent pas d’un accès aux outils numériques ou qui rencontrent des difficultés dans l’accomplissement des démarches.

Toutefois, dans les faits, c’est la personne elle-même qui doit faire la preuve de ces difficultés ! De plus, l’accompagnement en Préfecture est souvent déficient. Ainsi, ce sont souvent les conseillers numériques qui assurent, en dernier ressort, l’accompagnement de l’usager, bien qu’ils ne soient ni formés, ni habilités à prendre en charge ce type de demande.

En Ile-de-France, le Défenseur des droits est assailli de réclamations…

Les cas pratiques présentés par le Gisti décrivent une situation kafkaïenne, qui pénalise fortement des personnes étrangères en situation régulière sur le territoire nationale (ne pas pouvoir renouveler à temps son titre de séjour peut par exemple conduire à une perte d’emploi, alors que la personne est tout à fait en conformité avec la loi !). Plusieurs conseillers numériques du Grand-Nancy font face à ces difficultés.

Sachons gré néanmoins aux organisateurs de NEC d’avoir fait entendre ces difficultés liées à la dématérialisation des démarches administratives.

Quelques expériences inspirantes

Heureusement, de nombreuses expériences plus positives ont montré l’intérêt de dispositifs numériques et plus généralement de la médiation numérique. C’est le cas par exemple au Numéripôle de Bras-sur-Meuse, qui mobilise les jeunes autour du e-sport pour ensuite les amener vers des activités créatives dans son Fablab ; Vincent Bernard, de Bornybuzz (Metz), a eu aussi l’occasion de présenter son « Photoblabla sur lezécrans », outil de médiation pour discuter de la parentalité et du numérique (que nous utilisons à la Fabrique pour nos ateliers « Famille numérique ») ; dans les Pyrénées-Atlantiques, les conseillers numériques accompagnent jeunes et seniors à la rédaction d’un « journal des fake-news » pour apprendre à distinguer le vrai du faux ; en Charente, une conseillère numérique s’adresse aux majeurs protégés (sous tutelle et curatelle), pour faciliter leur prise d’autonomie, etc.

Un triporteur pour aller au devant des publics

Les communs numériques

A NEC#2023, il aura été aussi beaucoup question des Communs numériques. Les « communs » désignent une ressource produite et/ou entretenue collectivement par une communauté, et gouvernée par des règles qui lui assurent son caractère collectif et partagé. Il s’agit d’un régime de propriété différent de la propriété publique (de l’Etat, des collectivités…) et de la propriété privée. Pour les communs « numériques », la ressource elle-même est numérique : logiciels, bases de données, contenus textes ou vidéos, etc. Les logiciels libres comme Linux sont des communs numériques. Autre exemple : la carte Open Street Map est construite par les contributions libres de nombreux participants (le groupe local des contributeurs OSM se réunissent à la Fabrique des possibles), et ce faisant, en ont fait un outil cartographique aujourd’hui bien plus complet et objectif que les cartes en ligne commerciales (comme Google maps par exemple).

NEC a justement été l’occasion de présenter une démarche intéressante de construction de communs numériques au sein de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), en partenariat avec OuiShare.

En clôture de NEC, un plaidoyer pour le soutien aux Communs

En résumé : un événement riche et particulièrement stimulant pour aborder la question numérique d’un point de vue politique, sous l’angle de la solidarité et de l’intérêt général, et illustrant, par l’exemple, les multiples expériences menées en France pour rendre le numérique vraiment accessible et utile à toutes et tous. La prochaine édition nationale de NEC aura lieu à Chambéry, en septembre 2024. A quand un NEC national dans le Grand-Est ?